« Le flou du "made in France » ? Survol du droit (douanier !) applicable au made in »
« LOU YETU - Le flou du "made in France"? »
Survol du droit (douanier!) applicable au made in: le droit douanier est clair mais complexe... Reste à bien comprendre que made in France ne veut pas forcément dire 100% français
« Les bijoux fantaisie brillent-ils par leur opacité ? » titrait Le Figaro du 2 février 2021, avant de donner la parole à Camille Riou, fondatrice de LOU YETU, marque apparemment portée aux nues puis rejetée avec autant de force par une même communauté du clavier.
« N’êtes-vous pas allé trop loin dans la revendication du fabriqué en France ? » lui demande Le Figaro. Camille Riou répond : « Cette polémique pointe surtout le fait que de nombreuses questions se posent autour du « made in France ». Le public ne comprend pas bien ce que cette mention signifie. » Réponse pertinente qui soulève deux sujets opposés mais liés :
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le « made in » suppose de se conformer à des règles douanières complexes mais claires, d’application stricte ;
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la conformité juridique vaut apparemment bien peu face à ce que chacun comprend de cette expression, anglaise qui plus est.
Le « made in France » est un argument commercial, facultatif sauf exception, qui ne souffre d’aucune ambiguïté ni d’aucun flou… (1) pourvu que l’on maitrise les règles douanières complexes propres à la détermination de « l’origine non préférentielle » et (2) pourvu que l’acheteur comprenne (après traduction !) que « made in France » ne signifie pas nécessairement 100% français.
1. Il n’existe aucun flou juridique sur les règles douanières qui permettent d’apposer un « made in France », lequel correspond à l’origine non préférentielle des marchandises. Que signifie « origine non préférentielle » ? Difficile de l’expliquer ici en quelques lignes, sauf par des exemples très largement simplifiés. Il s’agit de déterminer la « nationalité » d’une marchandise, soit celle du pays où a eu lieu la « dernière transformation substantielle ». A titre purement illustratif, sera par exemple :
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substantielle une transformation spécifique (découper et coudre en France du cuir Argentin pour en faire un bracelet) ;
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substantiel le travail réalisé en France sur un cuir Argentin, s’il est tel qu’il aboutit à un nouveau produit, relevant d’un autre code tarifaire que celui de la matière première (chaque marchandise correspond à un code numérique à 4, 6, 8 ou 10 chiffres). C’est la règle dite du « changement de position tarifaire ». Du cuir Argentin entre dans l’usine, un bracelet Français en sort ;
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substantielle la « part française » si la valeur de chaque composant français ainsi que le coût de la main d’œuvre française dépassent un certain pourcentage par rapport au prix des composants d’origine tierce (Argentine/Tunisie par exemple).
L’origine non préférentielle consiste donc à déterminer LA nationalité UNIQUE d’un bijou, alors que les éléments qui le composent (l’or, le bracelet cuir, le fermoir, la pierre…) sont originaires de différents pays et que les opérations de fabrication successives (fondre l’or, découper le cuir, dorer le fermoir etc…) sont réalisées dans un ou plusieurs pays. Attention, le fournisseur du fabriquant qui revendique le « made in » peut être une entreprise Française… qui se fournit en Argentine ! Dans l’absolu, ce bijou n’a pas de patrie, ou, plutôt, en a cinq. Mais, par fiction juridique, il est possible de déterminer LE SEUL pays d’origine du bijou.
Pas de « made in France » sans maitrise des règles propres à l’origine non préférentielle, qu’il est impossible de maitriser sans connaitre les fondamentaux douaniers que sont l’espèce, l’origine, et la valeur. Tout un programme !
2. Cet article du Figaro nous apprend aussi que le « juridique » n’est pas forcément un rempart face aux ressentis/émotions/attentes/exigences - légitimes par définition - d’une communauté d’instagrameurs, qui comprend que « made in France » ne veut pas nécessairement dire 100% Français.
La loi des règlements communautaires n’est pas la loi des réseaux sociaux.